08 Mar Déchéance de la marque : quel usage pour sauvegarder ses droits ?
Accés à l’article détaillé en pdf : déchéance de marque_Mars 2024_VDEF
De l’importance de bien connaître les règles du jeu
Le Tribunal de l’Union Européenne confirme la validité partielle de la marque figurative NOAH face à une action en déchéance de marque de la société américaine Noah Clothing LLC. Cette victoire souligne l’importance de la stratégie de marque et de la défense des droits de propriété intellectuelle dans un contexte mondialisé.
Une marque confère un droit d’interdire l’enregistrement et l’usage d’un signe postérieur au moins similaire, pour des produits ou services identiques ou similaires.
Un tel pouvoir implique une « grande responsabilité » : le titulaire de la marque doit l’exploiter ! A défaut, celle-ci est vulnérable et pourra être totalement ou partiellement radiée.
L’appréciation de ce sérieux repose sur divers critères, appréhendés en combinaison, dont la durée, l’intensité, le lieu ou la nature de l’usage. Une utilisation anecdotique ne sera pas considérée comme suffisante.
La sanction encourue étant particulièrement radicale, elle est assortie d’aménagement. Aussi, est appréhendé comme un usage de la marque, l’utilisation du signe légèrement modifié, dès que cette modification n’est pas trop substantielle.
C’est ce qu’a récemment apprécié le Tribunal de l’Union européenne dans une décision qui, sans être surprenante, permet de rappeler les règles du jeu.
Rappel du contexte juridique en référence à l’arrêt
Analyse de l’arrêt :
Tribunal de l’UE, 24 janvier 2024
Le célèbre tennisman Y. Noah voit est titulaire de plusieurs titres dont la marque de l’Union européenne n° 5620968 déposée en 2007 en classes 18, 25 et 28.
En 2019, la société américaine NOAH CLOTHING introduit une demande en déchéance contre celle-ci.
Le défendeur réplique et apporte divers éléments pour démontrer un usage pour les « cuirs et imitations de cuirs » et les « vêtements, maillots, chandails, chemises, pantalons, vêtements en cuir, vêtements en imitation du cuir, habits, tee-shirts, vestes, chaussures, chaussures de sport, souliers, combinaisons (vêtements de sport) ».
Dans un premier temps, l’office européen considère que la marque a bien été exploitée mais uniquement pour les « sport casual shirts », produits non couverts au libellé mais considérés comme une sous-catégorie autonome des « shirts ». On note le niveau de précision dans la qualification du produit…
Un recours est formé et aboutit ici encore à la radiation de la marque pour tous les produits, sauf pour les « polo shirts » et les « sweater ».
La société NOAH CLOTHING porte l’affaire devant le Tribunal de l’Union Européenne.
Focus sur l’usage d’un signe sous une forme modifiée
alors que le visuel de la marque en cause et déposé était
Le tribunal retient que la majorité des preuves apportées concerne une version modifiée du logo de la marque NOAH, avec l’ajout d’un « Y.NOAH » au lieu du texte original « NOAH » qui avait été déposé initialement.
Rappelons que l’article 18 du règlement sur la marque de l’Union européenne, qui a son équivalent dans les droits nationaux de l’UE, dispose qu’une exploitation “[…] sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée”, constitue un « usage valable de la marque l’usage”.
En d’autres termes, utiliser sa marque avec des modifications mineures par rapport à l’enregistrement peut être suffisant pour conserver ses droits.
Cet arrêt rappelle que le règlement « évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée » et qu’il permet « au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés »
La question est de savoir dans le cas Noah, si l’ajout du Y altère le caractère distinctif, ce que fait valoir le requérant pour qui il n’a rien d’anodin puisqu’elle transforme le signe qui fait désormais directement référence à une célébrité.
Toutefois, et sans surprise, cette lettre étant objectivement un élément mineur, le Tribunal confirme que cet usage valide l’exploitation de la marque, ce d’autant plus qu’il ne s’agit que d’une répétition du Y déjà présent au sein du logo. Il conclut en considérant que signe utilisé est « globalement équivalent » à celui enregistré et l’ajout du Y n’altère pas le caractère distinctif.
L’arrêt n’est pas révolutionnaire mais permet de conforter les titulaires de marques dont l’usage évolue et s’éloigne parfois quelque peu du signe tel qu’enregistré.
D’autres exemples :
Les différences « acceptables » sont même parfois bien plus significatives. En témoigne, la validation de l’exploitation de la marque PAL au travers de l’usage de son logo
Toutefois, il convient de rester prudent, car l’appréciation relative à l’altération du caractère distinctif est parfois bien plus sévère. En mai 2023, le Tribunal avait par exemple considéré que les signes ci-dessous étaient trop différente
A retenir
Cet arrêt rappel qu’à défaut d’exploitation de la marque, la sanction peut être très sévère. Aussi tout écart entre la marque telle que déposée et son utilisation réelle mérite une réflexion et peut justifier un nouveau dépôt.
Importance des preuves d’usage
Comme la défense de la marque peut passer par la preuve de son usage, il est important pour les titulaire de conserver tous les éléments qui permettront de démontrer une exploitation le cas échéant. Factures, contrats, articles de presse ou tout autres preuves de la mise en contact de la marque et du public doivent être archivées au fil des années. Il peut, dans certains cas, être nécessaire de démontrer que la marque a été utilisée il y a de nombreuses années !
Article rédigé par Guillaume Dubard, Juriste – Conseil en Propriété Industrielle IPSILON Propriété Intellectuelle
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